Il n'y a pas souvent moyen de se réjouir ces derniers temps, a fortiori lorsque l'on croise les grilles de programmes de la télévision linéaire [et la délinéarisée suit le même mouvement] où les émissions mal produites, saucissonnées n'importe comment pour vendre encore plus d'écrans publicitaires [certains films étant coupés carrément au milieu d'une scène quand il ne s'agit pas d'un jeu de répliques] histoire de gaver davantage des comptes d'exploitation plus difficilement présentables ces derniers temps. Pourtant, Emmanuel Macron a desserré l'étau mais Nicolas de Tavernost [le patron de M6] continue de chouiner et Ara Aprikian comme son fidèle Xavier Gandon continuent de faire de la télé low-cost à TF1 qui s'enfonce gentiment mais sûrement mois après mois. A côté, la télé Bolloré ne choque même plus par l'inanité des programmes de C8, CANAL+ et CNEWS. Rien de bien terrible donc ... j'en suis même arrivé à ne plus supporter les productions M6 et TF1 que certains continuent de live-tweeter comme si cela avait de l'intérêt [appelez-vous, je pense que ce sera plus reposant pour tout le monde].
A côté de cela, j'ai commencé à suivre la nouvelle émission dite de débats qui propose de la nuance, du sens et du temps que programme France 5 du lundi au jeudi aux alentours de 22h30. Outre que je salue le retour d'une logique de deuxième partie de soirée sur une chaîne linéaire, le contenu des sept émissions que j'ai pu voir jusqu'à présent me donne de la satisfaction.
Pourquoi ? Parce que le contenu, clairement parisien et intellectuel, me convient non pas parce qu'il est parisien et affiché comme intellectuel mais parce qu'il diffuse des angles que l'on ne voit pas souvent. Même si Karim Rissouli revient trop facilement et souvent sur des mécanismes d'interviews interrompant le fil d'une idée et si l'on a peu de peine à deviner le chemin de fer qui le guide, le temps est effectivement laissé à l'invité pour dérouler sa pensée. Généralement peu exposé devant les caméras, l'invité présente une posture d'expert dans son domaine avec un regard qui contribue à éclairer sur autre chose, donner à voir un prisme qui n'est pas celui que l'on a coutume d'entendre au premier abord.
Flanqué de Laure Adler qui fait du France Inter à la télé depuis des années et de Jean Birnbaum qui ne tombe pas dans les travers exaltés des journalistes littéraires à la télé, Karim Rissouli, dont la voix se prête à l'exercice, installe une atmosphère cosy, propice à évoquer des sujets complexes qui sont en rapport avec l'actualité du moment sans pour autant basculer dans le "hard-news" donc faire du buzz sur de l'actualité chaude. Le seul souci, c'est que c'est presque trop dense pour une heure de format. Attention, je n'en réclame pas davantage, je pense clairement que le format horaire est vraiment le bon pour éviter de basculer dans la conférence France Culture. En revanche, une simplification éditoriale pourrait permettre de donner davantage de temps, notamment en supprimant le troisième invité ou une rubrique.
Surtout, dans cette émission tournée dans les conditions du direct sans être en direct, je me surpris hier soir à ne pas voir le temps passer alors que le propos anarchiste pouvait a priori me rebuter. Sauf que voilà, donner du temps pour que les idées se propagent [c'était l'ambition affichée de France Télévisions au lancement de l'émission] permet justement d'entrer dedans et de convenir que la nuance qui m'est si chère est une vertu cardinale s'opposant au manichéisme ambiant qui veut que si tu n'es pas d'accord avec moi, tu es contre moi donc tu dois être éliminé de mon environnement. Certes, les références sont très académiques, très germanopratines parfois et suintent d'un culturalisme de caste dénoncé par certains mais j'y retrouve le plaisir d'envisager des pistes qui sont de nature à m'élever sur des sujets vis à vis desquels je n'ai qu'une opinion et pas encore une réflexion. Ainsi en est-il, hier soir, du dévoiement démocratique du contrôle individuel par la technologie qui n'est pas choquant pour autant qu'on demeure dans la norme décidée. Lourd sujet philosophique s'il en est ... mais c'est aussi une vraie réflexion qui me touche directement puisque je suis très consommateur de ces gadgets censés améliorer ma vie mais qui, en fait, contrôlent celle-ci au point de laisser une empreinte numérique quasi indélébile.
Au delà du tumulte des idées et concepts qui sont brassés dans cette émission, la démarche me convient parce qu'elle est, au surplus, moins tapageuse et finalement moins inappropriée que celle de l'émission qui précédait "C ce soir" hier soir, je parle de l'émission sur Rimbaud produite par Bangumi [Laurent Bon et Yann Barthès avec Léa Salamé ... c'est tout dire].
Enfin, "C ce soir" dispose d'une pépite qui crève l'écran : Camille Diao. Connue des auditeurs de Radio Nova mais aussi de France-Culture, la journaliste a déjà fait ses classes télé sur Arte. Discrète autant qu'elle est percutante et charpentée, ses interventions avec une voix monocorde quasiment suave qui interpelle sur des éléments de débat précis et rigoureux. Un sourire retenu parfois, une complicité de plus en plus affichée avec Karim Rissouli en plus, sa présence permanente amène la douceur qui contraste avec l’apprêté des concepts échangés. Loin du rôle de pot de fleur que l'on réserve parfois aux supplétifs dans d'autres émissions, Camille Diao est le véritable atout de "C ce soir", belle jusqu'à l'indécence et surtout irradiante d'une présence qui n'est pas inutile et contribue à élever encore un peu plus le niveau. Alors si en plus, elle commence à mettre des pulls bleus comme Anne Sinclair ... on ne va pas arriver à se concentrer non plus ...
En d'autres termes, pendant que tu perds allègrement ton temps devant des "Top chef" et autres stupidités animées par Karine Le Marchand, Stéphane Plazza, Denis Brogniart ou qui sais-je encore, moi j'ai trouvé l'oasis qui me va bien tous les soirs et qui me laisse envisager qu'il y a bien beaucoup de choses à entendre pour mieux comprendre.
Tto, qui est bien content dans cet océan d'insatisfactions
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