Au delà de la crise sanitaire et des chocs qu'elle induit, l'épisode Covid-19 aura été l'occasion de permettre aux caciques du chaos, aux oracles de la catastrophe inéluctable et aux donneurs de leçons qui ont la science infuse de surpasser tout ce que l'on savait déjà d'eux mais dont on n'avait pas encore pris l'exacte mesure ... si tant est que l'on puisse un jour le faire.
Peut-on décemment être en désaccord avec Edouard Philippe qui, évoquant les "commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu'il aurait fallu faire selon eux à chaque instant", ironisa sur la "modernité [qui] les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision ; les courbes d'audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd, mais cela ne grandit pas, je le crains, le débat public» ... faisant ensuite allusion aux "réseaux pas très sociaux mais très colériques, d'immédiateté nerveuse".
Forcément ... dire que l'on est bien d'accord avec Edouard Philippe me vaudra encore d'être taxé de "macroniste débile" ou de "fieffé connard à la solde du pouvoir". Les mêmes, qui profèrent de telles accusations qu'ils sont évidemment totalement légitimes à balancer, savent forcément ce qu'ils disent : il n'y a qu'un chat qui reconnaît un chat.
Au delà de l'invective facile et à l'instar de toute période de crise, les événements nationaux et internationaux font toujours émerger des charlatans soucieux de gérer leurs petits fonds de commerce, des escrocs toujours prompts à ne voir que l'intérêt de leurs petites échoppes plutôt que l'intérêt général dont ils se targuent et qu'ils travestissent au gré de leurs intérêts particuliers.
Combien de fois a-t-on entendu "Il aurait fallu", "on aurait dû", "avec un peu de compétence, il était évident que" ... et là encore, c'est gentillet. Le bal des prophètes de la vingt-cinquième heure est fourni de personnages caricaturaux qui défient l'effort même de la caricature, reculant toujours plus loin l'imagination qu'un Donald Trump pulvérise à chaque tweet. S'il était seul, ou seulement flanqué d'un Bolsonaro parfois plus cornichon que son idôle orange, ce ne serait dommage que pour les américains [qui n'avaient qu'à pas l'élire finalement]. Sauf que Trump orchestre à lui seul aussi divers solistes ici et là, certains s'en étant mordu les doigts récemment comme Boris Johnson.
Salvini, en Italie, n'a jamais manqué une occasion d'expliquer que s'il avait été au pouvoir, les choses auraient été bien différentes ... jusqu'à ce que Guiseppe Conte fasse la démonstration de ce qu'arranguer les foules n'avait jamais arrêté la propagation du virus. Les dysfonctionnements italiens sont comme les divisions de César, légions mais le pays finit doucement par surpasser la crise même s'il sera clairement dans un sale état au sortir du Covid-19.
En France, l'asthénie est immanquable à chaque fois que l'on entend Jordan Bardella ou sa mère nourricière Marine accumuler les mensonges, les variations de discours voire les impostures. Les entendre ainsi accuser le gouvernement de légèreté sur le premier tour des Municipales alors qu'ils étaient vent debout quatre jours avant le scrutin quand on envisageait que l'on puisse reporter une consultation électorale qui devait leur être favorable, c'est au delà de la tartufferie. Avec la grâce et la mesure qu'on lui connaît, entendre dégobiller Marine Le Pen des scories aussi navrantes que l'invocation des distances de sécurité qu'elle méconnaissait elle-même dans ses meetings, que la nécessité de nettoyer les rues alors que cela ne sert à rien, que le virus il est comme-ci alors qu'elle n'y connaît rien et n'y comprend pas plus de chose ... c'est spectaculaire. Bardella, empli d'impétuosité et comme un jeune chien fou, amplifie, raconte n'importe quoi et critique à tout-va sans jamais expliquer ce qu'il aurait fait si l'inconscience nationale collective lui avait donné les clefs du pouvoir. En reprenant leurs déclarations éclairées, envisage bien quelle serait la situation aujourd'hui. Le RN conspue le confinement et dégueule sur le fait que les écoles soient fermées ? Qu'en penser alors que la plupart des parents sont terrorisés à l'idée que le 11 mai les classes ré-ouvrent.
Les apprentis sorciers plus virologues que n'importe quel professionnel avéré savent bien ce que les autres ne savent pas, comme la cruche Moranesque qui savait bien le soir du premier tour des Municipales qu'on cachait la gravité de la situation [tu noteras que les ordres de se taire lui ont été passés depuis]. Tout le monde le sait bien qu'il fallait donner massivement de l'hydroxychloroquine [quitte à provoquer des troubles cardiaques majeurs chez ceux pour lesquels la posologie poserait un problème] parce que le Professeur Raoult jouait les druides du XXIème siècle. Ciotti, comme son ennemi juré Estrosi, ne voyaient plus que cela, Mélenchon dénonçant l'amateurisme d'un gouvernement qui ne se ralliait pas à leurs injonctions contradictoires d'un plateau à l'autre. Ah oui, Didier Raoult en a eu des avocats, des adeptes ou des fidèles de la vingt-cinquième heure qui croyaient au remède miracle comme Trump s'amusait à préconiser de s'injecter du gel hydroalcoolique ou de l'eau de Javel pour s'immuniser [avant de provoquer un afflux de cas dans les centres anti-poison du pays]. Même Christophe Prudhomme, plus syndicaliste qu'urgentiste, n'a cessé d'aligner les mensonges et contre-vérités pour vendre sa soupe, celle de la révolte sociale alors que le corps médical n'avait pas besoin de bateleurs mais de bras, en faisant preuve d'un courage dont personne ne doutait. Passant d'un goguenard "C'est une petite grippe" début mars à l'opinion inverse quelques jours après en accusant le gouvernement d'une légèreté à laquelle, lui comme le bon Docteur Cymès, avait participé, il n'a jamais cessé de donner des leçons toutes plus stupides quand on les rapproche de ses propos antérieurs.
S'il est toujours facile de refaire l'histoire du jour à la vingt-cinquième heure, il y a là un biais dans lequel je ne me fourvoierais pas, ayant l'humilité de dire que je ne sais pas, que je m'en remets à ceux qui ont davantage de qualités professionnelles et scientifiques pour se prononcer. Voilà une précaution intellectuelle qui n'est pas celle de Marine Le Pen, Eric Ciotti, Jean-Luc Mélenchon, Jordan Bardella, Christophe Prudhomme qui ont rivalisé d'audaces quasi criminelles et séditieuses pour distiller, tel le venin, des inepties voire des considérations qui ressortent davantage du café du commerce quand elles étaient prononcées au hasard par le gros René du fonc du zinc qui peinait à absorber son troisième demi l'heure. Edouard Philippe n'a pas tort même si, sur la crise du Covid-19, il sera de bon temps d'apprécier à leur juste valeur les déclarations gouvernementales quand le sujet sera derrière nous. Le temps de la démocratie consiste aussi à ne pas réagir dans l'émotion impulsive qui n'est jamais bonne conseillère : les commissions d'enquête sont précisément faites pour cela.
Dans tout ce maelström, la figure du Professeur Raoult agrège, y compris ceux qui dénonçaient il y a peu le génial scientifique marseillais comme étant un agent du Mossad. Raoult a peut-être raison ou peut-être tort : l'avenir le dira et probablement que son intuition ne sera pas complètement condamnable, sauf si la légèreté d'études ou de données partielles est admise comme n'étant pas convaincante pour être qualifiée de scientifique. Mais voilà, Le Professeur Raoult est une aubaine pour les complotistes toujours persuadés qu'on leur cache la vérité. Et comme il dérange, c'est bien le signe qu'il a raison parce que la technocratie essaye de le faire taire puisqu'il dérange des intérêts cachés, occultes. D'ailleurs, son traitement n'est-il pas bon marché ? Cela doit forcément déranger les lobbies pharmaceutiques ... Ce raisonnement, ou ce qui en tient lieu, a aussi permis aux tenants de la théorie dite "Qanon" [dans laquelle le Président américain Trump serait le héros d’un complot secret de "vrais patriotes"] d’intégrer Raoult comme fer de lance de leurs thèses. Puisqu'il est haï de l'establishment [comme Trump ou Le Pen, qui en font cruellement partie et qui en vivent grassement], Didier Raoult est un faiseur de miracle, a fortiori puisqu'il surjoue sa marginalité avec les "pontes" parisiens de la santé. Sa sortie du Conseil scientifique ne s'explique d'ailleurs qu'ainsi ...
Et comme on exhume tout, on s'aperçoit que Didier Raoult, il y a quinze ans dans une vidéo, expliquait [aujourd'hui de façon providentielle] que la France est insuffisamment préparée à une épidémie. On rappellera que l'Union européenne a mis en garde contre certaines vidéos, publications et autres éléments documentaires sujets à caution dont les réseaux seraient inondés aujourd'hui, les mises en lignes venant de façon stupéfiantes de la Russie ... N'empêche, avec son parcours atypique et ses multiples déclarations fracassantes au fil des années, le professeur Raoult pose aussi des difficultés aux complotistes les plus radicaux : auteur d’une tribune publiée dans Le Point qui dénonce la notion de "Français de souche" qualifiée d’absurdité scientifique, cela gène les mouvements d'extrême-droite identitaire tant européens qu'américains qui ont cru, trop vite, avoir trouvé leur étendard. Depuis le début de la crise, Raoult a beaucoup promis, pas forcément tout tenu et nous verrons bien si sa prédiction selon laquelle "dans un mois, la pandémie sera terminée dans l'hémisphère nord" vaudra autre chose qu'un échange au bistrot du coin ... là où elle aurait alors dû rester.
Tto, qui ne voit là que des pitres alimentant un système qu'ils font semblant de dénoncer
Via une vie de tto https://ift.tt/2ReeQEb
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