13 avril 2021

L'amère de toutes les batailles

2018 - PARTIES POLITIQUES

Ah l'ENA ... voilà donc ce que l'Histoire pourrait retenir comme étant le dernier acte politique d'Emmanuel Macron au terme de la mandature débutée en 2017. Voilà donc le symbole final voulant démontrer à lui seul la capacité visionnaire et réformatrice du Président. Parce qu'il ne faut s'y tromper, le quinquennat est terminé à plus forte raison dans la perspective des élections régionales et départementales qui ne peuvent désormais plus être reportées [était-il raisonnablement envisagé qu'elles le soient ?], du résultat de celles-ci et du lancement après la trêve estivale de la course présidentielle. Oui, Emmanuel Macron en a terminé à présent et il va désormais expédier les affaires courantes en essayant de prendre le moins de coups possibles pour ménager son potentiel électoral.

Dans un peu plus de 370 jours, nous voterons donc pour le premier tour de scrutin de la mère de toutes les élections de la Vème République. Déchaînant les passions et les ambitions, le glas de 2022 sonne comme l'oraison funèbre d'une tragi-comédie qui lasse plus qu'elle n'élève, les crises et impasses à répétition convaincant presque que l'autoritarisme est désormais plus que la seule voie envisageable. Les grands esprits s'étant battus depuis des siècles pour l'idéal démocratique feront du ventilateur dans leurs caveaux, mais qu'importe : le quinquennat a épuisé la stabilité des institutions de 1958, rendant impossible depuis 20 ans la réélection d'un Président de la République.

Sauf que l'élection présidentielle de 2022 réservera encore des surprises dont la principale est peut-être qu'elle ne permettra pas au pays d'être dirigé pendant cinq ans. 
Déjà, on s'interroge sur la capacité d'Emmanuel Macron a pouvoir atteindre le second tour. Certes, les sondages hors sol lui donnent aujourd'hui la qualité de finaliste mais le diagnostic d'Arnaud Montebourg au Financial Times est chirurgical : à raison de son arrogance et de la détestation qu'il inspire, Emmanuel Macron pourrait ouvrir la voie de l'Elysée à Marine Le Pen. C'est peut-être excessif et injuste mais les maladresses et erreurs à répétition vont coûter cher malgré un bilan pas si déshonorant. Le problème est que le salut ne passe que par une vampirisation de la droite, qui ne veut pas se laisser aspirer si facilement. Au surplus, on se demande bien ce qu'Emmanuel Macron a d'autre à vendre au pays que son maintien aux manettes. Avec les gilets jaunes et la crise pandémique, le nouveau monde a fait pschit et il pratique la politique à l'ancienne comme Giscard, avec le même aveuglement qui conduira à la même issue. Le seul épouvantail Le Pen ne suffit plus.

Parce que les gars de la Marine en sont bouche-bée : elle ripoline aussi bien sinon mieux que Valérie Damidot dans un bidonville. Marine Le Pen, sous couvert de ne pas faire partie du système, en devient l'archétype le plus caricatural au point qu'elle se targue désormais "de fendre l'armure" pour convaincre qu'elle a aussi une sensibilité féminine qui n'est pas celle d'Eva Braun. Qu'importe qu'elle n'ait aucune idée du financement de la retraite à 60 ans, de la dérive des dépenses publiques quand il ne s'agit pas des mesures sociales réservées aux français ... on s'en fout : la politique à papa est de retour, elle promet du vent et de l'utopie inconséquente qui mènera le pays dans le fossé, à l'image des finances de son parti qui frôle la cessation de paiement s'il n'était pas maintenu par des emprunts contractés auprès de banquiers russes s'amusant d'un tel cheval de Troie. Inonder le pays de mesures démagogiques et dispendieuses alors qu'on n'en a pas les moyens [puisqu'elle jure ses grands dieux qu'elle n'augmentera pas les impôts], elle s'en tamponne. Pourquoi ? Parce qu'elle aime les chats ! Le mantra est celui-ci : Marine est une femme qui aime les chats donc cela la rend touchante, faisant oublier ses dîners avec les neo-nazis autrichiens ou d'encombrants soutiens de papounet qui n’apparaîtront bientôt plus sur les photos officielles. Marine aime les chats et son discours a été tant réorienté qu'il paraîtrait presque fade aux caciques du RPR des années 90. Et c'est bien là le but : vampiriser les Républicains ou ce qu'il en reste.

Oui parce que le parti de Nicolas Sarkozy ne fait plus penser à autre chose qu'au pendant zombiesque du Parti Socialiste : pas de projet, pas audible, pas de leader, pas de candidat. L'ancienne alternative de gouvernement est en état de mort cérébrale et éructe encore de temps en temps, des spasmes procédant surtout de stimuli basiques. Xavier Bertrand aurait tort de mégoter mais pour se rêver un destin, encore faut-il survivre aux régionales des Hauts de France où la gauche comme les gars de la Marine ont juré sa perte puisqu'il a cru bêtement utile de lier son sort à un succès électoral. Alors, avec la finesse qu'on lui connaît, il redouble de suffisance, de condescendance et d'élan d'accablement tellement surjoués qu'ils font passe Valérie Pécresse [grande spécialiste du genre] pour une jouvencelle pré-pubère. 

De l'autre côté, moins il y a de miettes, plus les convives ont de l'appétit. Le vieil oncle acariâtre Mélenchon balance des insultes régulièrement mais on le regarde avec distance en étant convaincu qu'on n'en entendra bientôt plus parler. Fabien Roussel imagine faire revivre le destin électoral du PCF, les résultats des urnes en précipiteront la faillite définitive. Montebourg essaye de faire monter une mayonnaise transversale qui reste obstinément inerte quand Anne Hidlago démontre tous les jours que la charpente de ses ambitions est encore plus instable que celle de Notre Dame de Paris actuellement. S'il fallait encore en rajouter, Yannick Jadot essaye de se sortir du ball-trap écologiste en jouant la partition de l'Union de la Gauche à laquelle plus personne ne croit. Même Christiane Taubira que l'on disait consulter pour trouver l'interstice destiné à lancer une initiative serait totalement découragée. Quant à François Hollande, il attend de ramasser ce qu'il restera du Parti Socialiste qui n'a toujours pas compris que son salut passe par une promesse de pouvoir d'achat, une clarification des ambiguïtés sur la laïcité qui rongent la gauche [et ce n'est pas Audrey Pulvar qui aide] et un totem populaire. Olivier Faure joue les syndics de faillite affligeant avec son regard de chien battu qui fait passer un clerc de notaire pour un joyeux drille.

Cruel tableau ? Non, c'est le théâtre du moment et je ne me risquerais pas à jouer des pronostics. La surprise viendra peut-être, ou pas. Le choix sera encore plus répulsif que les fois précédentes et le désaveu promet d'être alors plus violent. Le surgissement d'un Zemmour est improbable, du Général de Villiers illusoire ... et pourquoi pas Francis Lalanne tant qu'on y est ? La déliquescence est à ce point inéluctable qu'elle me renforce dans une analyse. La surprise ne viendra pas du vainqueur de l'élection présidentielle mais du fait que dès 2022, le pays sera ingouvernable.
En effet, quel que soit le vainqueur de l'élection présidentielle, il n'aura pas de majorité parlementaire ... se condamnant alors à une cohabitation. C'est finalement cela la dernière carte de la Vème République : survivre dans le chaos en forçant au compromis. Si Emmanuel Macron survit, il devra trouver auprès des Républicains l'ajustement nécessaire comme au bon vieux temps de l'union RPR-UDF. Si Marine Le Pen accède à la magistrature suprême, elle devra convaincre la frange RPR des Républicains qu'elle est fréquentable [et il n'est même pas certain que cela suffise]. Contrairement à beaucoup, je sens que les français ont envie de renvoyer dos à dos tous les pantins qui s'agitent frénétiquement depuis trente ans sous leurs yeux, en ne leur donnant aucune majorité. Curieusement, cela pourrait redonner au Parlement un rôle central qu'il n'a plus depuis 2002.

Oui, 2022 sonne comme la fin d'un cycle. Qu'importe le flacon présidentiel, il y aura ivresse et les lendemains de beuverie sont toujours difficiles avec un sacré mal de tête, surtout quand les français verront que tout cela n'a rien fait avancer pour eux. Pas grave, au moins, l'ENA aura trépassé [pour mieux renaître autrement].

Tto, qui se prépare à vivre une année terrible

Via une vie de tto https://ift.tt/2ReeQEb

Aucun commentaire: