Aujourd'hui, la France, notre pays en totale perte de répères et avide d'idoles, a célébré le dixième anniversaire de la disparition de son plus long président de la République.
François MITTERRAND est décédé le 8 janvier 1996 dans sa 80ème année des suites d'un cancer.
S'il est troublant de voir notre pays se répandre aujourd'hui (et depuis quelques jours à présent) en cérémonies et déclamations à tendance sanctificatrices, cela n'est pourtant pas très étonnant.
Le vide laissé par le personnage sur la scène politique interne explique en partie la dévotion de ces derniers jours. Pour succinte que soit cette analyse, il n'en demeure pas moins qu'elle n'est pas suffisante et n'explique pas tout.
On pourra glauser longuement sur le caractère machiavélique du personnage (est-ce un défaut après tout ?), sur la vie romanesque de François MITTERRAND et tout autre sujet (la francisque, l'Affaire de l'Observatoire, Mazarine, le secret médical d'Etat) ayant pour conséquence de faire rêver nos concitoyens délectés à l'idée d'être spectateurs d'un destin éblouissant.
Mais quid de l'héritage du Président MITTERRAND ?
D'abord, comme le recommande toute doctrine d'efficacité de l'exercice du pouvoir, on reconnaîtra une presque parfaite maîtrise de l'image de celui qui incarne la fonction. Du début de son premier mandat jusque par delà sa mort, le Président aura manié les symboles et joué avec les images de façon remarquable. La marche sur le Panthéon donnait le "la" des quatorze années suivantes, elles seront riches et abondantes. La main dans la main avec Helmut KOHL sera également un moment écrasant de symbole.
Les funérailles du Président seront le paroxysme de la gestion de l'image : le drapeau français qui s'envole du catafalque à midi pile, la recomposition des familles de MITTERRAND, la traversée de JARNAC, le chien Baltique du Président qui restera sur le porche de l'Eglise et qui ne pourra, bêtement, assister à la célébration d'hommage de osn maître.
Ensuite, et sans qu'il faille y voir une quelconque hierarchie, un projet culturel pour ce pays (ce qui n'est quand même pas si mal). En plaçant l'inventif Jack LANG au Ministère de la Culture et en impulsant les décisions majeures relatives à ce que l'on appelle les "Grands Travaux", F.MITTERRAND a développé et conduit la politique culturelle de son pays à l'image d'un Roi soleil qui, depuis Versailles, battait la mesure et dansait. Je ne dresserai pas ici la liste des édifices qu'il convient d'attribuer à la présidence MITTERRAND.
Culturellement également, comment oublier la libéralisation des ondes radio (apparition de la FM) et de la télévision (CANAL+, LA CINQ, TV6 puis M6) ? Comment passer sous silence la fin de la logique de Ministère de l'Information qui régnait en France jusqu'en 1981 ?
Enfin, et au sens national du mot culturel, l'abolition de la peine de mort est un tournant majeur. La signature de justesse d'un Traité européen instituant notamment la monnaie unique est à porter au crédit du Président, ce d'autant lorsque l'on se souvient la passion et l'investissement personnel que furent les siens lors de la campagne référendaire. Même si comparaison n'est pas raison, un simple coup d'oeil dans le rétroviseur de 2005 fera apprécier aux rétifs de tous bords la qualité de l'intervention du Président de la République.
En second lieu, que penser de l'aspect politique de la Présidence MITTERRAND ?
D'abord, il convient de ne pas oublier que F.MITTERRAND fut l'un des plus grands pourfandeurs de la Vème République. Alors, sa Présidence devient une validation fortifiante des institutions et de la Constitution. Cela est d'autant plus vrai que vont s'inaugrer sous l'ère MITTERRAND de nouvelles figures institutionnelles comme la cohabitation.
Politiquement, MITTERRAND agira avec habileté, détermination et stratégie. On retiendra le climat sibérien de la première cohabitation où le venitien MITTERRAND épuisera le trop nerveux CHIRAC, la première femme Premier Ministre, l'émergence de Fabius, la maîtrise du trublion Rocard, etc ...
Naturellement, on créditera le Président d'une avancée majeure de l'Europe Economique mais aussi politique avec, entre autres, le renforcement du couple franco-allemand.
Bien sur, on n'oubliera pas les amitiés infréquentables du Président, les suicides embarassants de la fin du second mandat (dont un à quelques bureaux de celui du premier magistrat du pays), les calculs au sujet du Front National (officine nationaliste dédiée à parasiter la Droite), les Affaires, les cotes de popularité abyssalement basses, etc ...
De façon rapide et synthétique, voila ce que je retiens de prime abord de la Présidence MITTERRAND, de cet homme dont le sens politique, le caractère et la stratégie sont admirables, de cet intraitable adversaire, de cet amoureux du verbe.
Voila pour le portrait sommaire et personnel d'un Président hors du commun, de loin supérieur à certains de ses prédécesseurs et son successeur. François MITTERRAND reste le symbole d'une classe politique ayant tendance à disparaitre pour céder la place à des ambitieux nombrilistes bassement calculateurs sans aucun dessein pour leurs concitoyens. Cherchez bien, vous les reconnaitrez ...
Prenez le temps de revoir (ou relire le verbatim) ses discours, de ses dernières interviews et surtout du duel MITTERRAND/CHIRAC de 1988 : ce sont de grandes leçons.
En tout cas, et cette retrospective mitterrandienne le prouve à l'envie, l'adage est bien vérifié encore une fois : on sait ce que l'on perd, mais on ignore ce que l'on gagne !
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