On raille parfois la gauche caviardisée à la mesure des arrangements moraux qu'elle prend avec telle ou telle posture qu'elle se fait une obligation d'imposer au nom d'un politiquement correct pratiquement plus abject que le cynisme de droite. Depuis presque l'origine, Laurent Ruquier, ouvertement affiché de gauche, éditorialise le début de son émission hebdomadaire en distribuant les mauvais points de la semaine, de sa chapelle de la rive gauche.
Ah ... un chansonnier qui se pique d'éditorialiser, voilà qui ne manque jamais de m'amuser parce qu'il se fait une obligation de tirer tous azimuts sur les ambulances médiatisées, avec le souci de ne jamais mettre en cause quelqu'un qui pourrait lui répondre directement, sur le même plateau. C'est le courage à l'état pur qui contraste sévèrement avec celui de son mentor Jacques Martin qui lui avait un peu plus ce qu'il fallait pour pourfendre [ce qui donnait, finalement, une autre résonance aux jets de fiel en question]. Hélas, n'est pas Jacques Martin l'impétrant qui s'hystérise de l'être à coups de calembours piochés ici et là mais surtout dans une médiocrité qui amusait encore il y a une dizaine d'années. L'indulgence des débuts s'est découragée et les mimiques appuyées pour souligner le trait d'esprit pulvérisent de leur lourdeur toute l'exaspération qu'elles inspirent.
Oui mais voilà, Ruquier s'autorise à penser qu'il est à la mode, que c'est sur ses plateaux ou devant ses micros que cela se passe. Son transfert à RTL bien peu glorieux le rassure certainement : il est populaire et son orgasme affiché à avoir les commandes de l'émission qui le faisait rêver petit ["Les Grosses Têtes"] ont fini de le déconnecter de la réalité, bien qu'il s'en défende. Les laquais dont il sait s'entourer et sa façon de provoquer les faveurs idolâtres de ces pique-assiettes achèvent le terrible confinement de l'animateur vedette dans une cour d'un autre temps, baignant dans les certitudes du Boulevard Saint Germain mais ripolinée d'un socialisme de convenance propice à plaire à la presse complaisante ce qui assure une perspective au fonds de commerce de l'architecte en chef.
C'est probablement à la faveur de cet éloignement inévitable que Ruquier, infatué au plus haut point, s'est autorisé à une auto-critique factice lorsqu'il a mollement confié avoir des regrets au sujet de la tribune laissée complaisamment à Eric Zemmour des samedis soirs entiers, lequel pu commencer à développer à grande échelle son dogme sectaire et contestable, avec sa caution Naulleau chargé à lui seul de garantir l'équilibre [c'est dire si le dessein envisagé par Ruquier et sa productrice Barma relève de l'inconscience profonde].
Ah oui bonne dame, Laurent le magnifiquement amusé de lui-même regrette de n'avoir pas compris ce que tout le monde lui disait à longueur d'interviews, de n'avoir pas réalisé que tendre le micro et permettre le lynchage organisé par ses Heckel et Jeckel du samedi soir était aussi un cheval de Troie pour diffuser les théories du remplacement, les avanies cultureuses de tous ordres et les comparaisons douteuses par légion. Il n'a pas vu ce qui se passait sous son nez, sans doute distrait pour l'irrepressible besoin de ponctuer telle ou telle intervention d'un bon mot censé adoucir les maux dont nous accablaient la clique polémiste.
Avec un mauvais esprit qui le dispute à celui de Zemmour et de Naulleau, je t'entends déjà dire qu'il n'y a pire sourd que celui qui ne veut entendre et, ce faisant, pire cécité que celle qui est recherchée. Oui mais voilà, le manège a perduré de longues, longues, très longues années mais les audiences étant bonnes et la position de Ruquier ainsi confortée, comment trouver la ressource nécessaire pour casser une si jolie machine que celle qui flatte encore mieux son créateur que les inconsistants Caroline Diament, Gérard Miller et Titof réunis.
Qu'il ait fallu cinq longues années à Ruquier pour se rendre compte que Zemmour posait un problème, c'est déjà compliqué à entendre venant d'un donneur de mauvais points hebdomadaires qui se plait à railler les comportements indélicats de celles et ceux qui défraient la chronique. Mais cette malhonnêteté intellectuelle n'est pas la pire finalement ... Bassiner tout le monde à expliquer qu'une fois les caméras et les micros éteints Zemmour est un homme délicieux devient un peu plus difficile. Mais là encore, l'artifice n'est pas le plus difficile à admettre ...
Que ce cher Lauent Ruquier, si prompt à déverser son acidité à l'emporte-pièce à tout-va et si prisonnier du réflexe de tout sacrifier pour un trait d'esprit [on reparle du dérapage sur le décès de Soizic Corne ?], n'ait pas eu une fraction de seconde la lucidité de parler de cela devant Eric Zemmour qu'il a invité en début de saison à l'occasion de la promotion de son livre, ça c'est grave.
C'est même très grave parce que cela démontre que Monsieur Ruquier se plaît à n'affronter certains problèmes qu'au gré de circonstances dont il faut bien se rendre à l'évidence qu'elles sont choisies en fonction d'un calcul, que la confrontation est savamment étudiée comme devant permettre de ne pas le mettre trop en difficulté, que le copinage prévaut sur la ligne éditoriale si tant est qu'elle ait jamais existé et surtout que la couardise a justifié de donner, à nouveau et après cinq années consécutives, à nouveau la parole à Eric Zemmour lequel a pu proférer des contre-vérités [soulignées par Aymeric Carron, c'est dire !] et diffuser ainsi les mêmes idées qui, quelques mois plus tard ... soudainement, font horreur à Laurent Ruquier à l'approche d'élections consacrant l'enracinement du Front National dont Eric Zemmour est clairement l'un des idéologues.
Oui la ficelle est tellement grosse, énorme même que l'on se perd en conjectures quant à comprendre pourquoi l'animateur-vedette de RTL et France 2 s'est cru obligé de feindre l'indignation contre lui-même, comme pour se dédouaner mollement de sa responsabilité pourtant pleine et entière.
Le saltimbanque pensait pouvoir ne faire que le pitre et laisser Zemmour jouer avec la nitroglycérine sans conséquences. C'est bien dommage mais à force de donner des leçons ou de se vautrer dans une médiocrité aussi consternante que navrante, Laurent Ruquier, que l'on avait connu plus avisé et fin, n'est en définitive qu'un pompier pyromane et ces regrets là sonnent tellement faux qu'ils en sont encore plus accablants d'inconséquence ... ce d'autant plus qu'au titre des Flops de la semaine, le même Laurent Ruquier n'a pas jugé nécessaire de revenir sur sa poltronnerie indigne recognitive d'une imprudence irresponsable pendant cinq ans et d'une lâcheté indéniable [la rumeur n'était donc pas sans fondement].
Tto, qui n'aime pas les petits marquis insouciants qui se piquent de donner des leçons
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