C'est peut-être à l'aune de ces quelques lignes que le poids mortifère de la masculinité toxique se mesure, plutôt qu'au moyen d'un livre calibré pour faire le buzz au mépris d'un discours auquel je peux souscrire par ailleurs pour certains constats plus mesurés que la seule éradication du mâle blanc que je suis encore et dont les épaules sont trop peu larges pour assumer ce dont on le rend responsable au prix d'une vindicte qui alimente la vacuité des plateaux de télévision essoufflés par les crises sociales et sanitaires quand elles ne sont pas politiques ...
[Fichtre ... en voilà une phrase bien longue mais qui résume finalement tant de choses]
Oui, s'il y a matière à décrier les standards genrés que la société trimbale depuis longtemps et qu'on a cru, naïvement, pouvoir éradiquer au seul motif d'une meilleure visibilité de certain(e)s voire d'une appréhension dépassionnée de problématiques de genre, ce tweet ci-contre démontre que rien n'a finalement avancé depuis qu'on s'obstine à habiller les petites filles en rose et les petits garçons en bleus au motif qu'ils ont une paire de couilles ou pas.
C'est regrettable parce que l'injonction selon laquelle il faut foutre la paix aux uns et aux autres est battue en brèche par ceux qui, un temps, jouent les prédicateurs de tant de mansuétude et qui, instinctivement, balancent leurs propres standards à la première occasion soit s'agissant d'une corpulence, d'un baiser amoureux ou même sans aucun prétexte.
Je fais partie de ces hommes dont il est difficile de ne pas conclure à l'évidente virilité. J'ai tous les signes extérieurs de celle-ci : je suis barbu, je suis grand, je suis un peu gros, j'ai une voix grave, j'ai de la force, je mets des cravates et des costumes taillés pour des hommes, j'ai un appareil sexuel masculin dont l'inventaire est totalement banal, j'incline même à avoir des réflexes et activités typiquement masculines, etc. Pire : je vis avec un homme auquel je suis marié.
Pourtant, j'ai joué avec des poupées quand j'étais petit. Comme tout le monde ? Ah non, je ne pense pas qu'à huit ans tous les petits garçons avaient des Barbies accessoirisées comme j'en avais.
Ma Môman a laissé faire ... elle a juste mis un véto lorsque je m'amusais à mettre ses chaussures violettes à talon en plastique, considérant que là non quand même. Mais pour les poupées, elle m'a laissé jouer avec.
Comme ce petit garçon au cartable "Reine des neiges", j'en ai entendu des choses de la part de ceux qui jouaient aux super-héros, aux voitures et aux cow-boys. J'ai été raillé, on m'a traité de chochotte et l'on m'a bien fait comprendre que le cercle des chromosomes XY ne m'était pas réservé tant que j'aurai un tel comportement dissident. Comment accepter un rouquin à la coiffure foisonnante de mouton orange et qui joue avec une Barbie qu'il figure être une Dalida en plastique aux robes brillantes ? Aussi loin que je m'en souvienne, voilà l'une des fractures de mon enfance et, forcément, quand je lis ce tweet, je me remémore l'enfant que j'étais, un peu interdit devant ce que j'apprendrai à qualifier de sectarisme plus tard. Oui je me souviens qu'on m'expliqua sur le ton d'une rigolade un peu grasse que quand même, quand on veut être un homme, il y a des choses que l'on ne fait pas. La question des identités construites est passionnante, elle me passionne parce qu'elle génère tant de murs, de complexes, de difficultés que l'on traîne ensuite qu'on en deviendrait presque radical à son tour ... un peu comme Alice Coffin dont j'épouse une partie du discours sans en retirer la moindre ligne parce qu'il est évident, parce que je l'ai vécu de l'autre côté de la barrière, parce que j'ai essayé de rentrer dans le moule du mâle au point d'être terrorisé par le fait de n'avoir pas assez de poils à une époque [avant que je ne comprenne que c'était charmant aussi ... comme la couleur de mes cheveux].
J'ai souvent dit qu'il n'y avait pas pire jungle que la cour de récréation de l'école. On m'y a cassé la figure, j'y ai connu des émois érotiques intenses, j'y ai beaucoup rigolé, j'y ai ressenti aussi beaucoup de peines, j'y ai été démoli par presque rien, je m'y suis forgé une répulsion quasi-définitive des mouvements collectifs, des groupes, des meneurs. C'est certainement dans une cour de récréation que ce petit garçon a entendu les quolibets au sujet de son cartable "Reine des neiges", qu'il a serré les dents puis qu'il a décidé de lâcher et de se conformer. C'est ça la bascule : décider de se conformer. Avec une mère qui était dans la cour de récréation en maternelle, j'étais vaguement protégé parce qu'inattaquable par les autres. En primaire, cela a été autre chose ... et oui, j'en ai pris plein la gueule au sujet de mes cheveux, de mes pulls tricotés à la main par ma Môman, de tenues un peu surannées [mais que ma mère aimait ... donc je lui faisais plaisir], de jeux auxquels je jouais seulement avec des filles, etc ...
Personne n'a jamais compris pourquoi j'étais terrorisé par les cours d'éducation physique [alors que j'ai des aptitudes parfaitement supérieures à la moyenne en athlétisme, en gymnastique et autres] : le cours d'EPS, c'était une super cour de récréation où la virilité se mesurait à hauteur de performance, celle-ci étant favorisée par le collectif. Ne faisant pas partie du cercle et étant toujours choisi en dernier quand il fallait constituer des équipes de sport collectif, j'ai compris qu'il fallait se conformer, j'ai résisté et j'ai retardé le plus possible cette conformation jusqu'à parvenir à me l'approprier à ma façon [et me réconcilier avec la masculinité que je trouvais trop oppressante].
Aussi, j'ai presqu'envie de dire à ce petit garçon que changer de cartable n'est pas si mal pour avoir la paix mais que s'il ne lâche rien au fond des choses, il parviendra à trouver ce chemin où, sans perdre ce qu'il aime, il parviendra à concilier ce qui ne l'est pas aujourd'hui. Oui, on y arrive un jour, au prix d'efforts parfaitement dispensables mais auxquels on est contraint ... par bêtise et conformisme souvent.
Tto, qui trimbale ça depuis longtemps
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