Alors qu'on fête les 100 ans de la radio, je me suis demandé ce qui, finalement, me plaisait autant dans ce médium dont j'ai pu pratiquer l'exercice.
Ah oui, tu ne le savais peut-être pas, mais j'ai été fugacement animateur de radio ... détends-toi, c'était une radio associative, j'avais 12 ans et je passais des disques le dimanche après-midi. Mais clairement, cela m'a donné le goût de la voix [qui à l'époque se cherchait], de l'articulation, du plaisir de transporter un auditeur dans un univers musical. Je me souviens qu'à l'époque, le patron de la radio insistait beaucoup pour que je passe "Quoi" de Jane Birkin, j'y avais droit au moins deux fois par mois. Cette expérience préfigura celle du théâtre l'année suivante ... tout cela concourant à une sortie du cocon moelleux et duveteux dans lequel j'étais depuis tout petit.
Or donc, la radio dispose pour moi d'une évidente force : celle de rentrer dans le quotidien de l'auditeur pour autant que tu créés un rendez-vous complice avec lui, qui repose sur l'habitude.
Chacun a ses rituels radiophoniques. Je viens d'une famille où il était de bon ton d'écouter France Inter le matin, France Inter le midi, France Inter le soir. C'est normal, ma cousine était une tête d'affiche de la station publique, il y avait donc là aussi la possibilité de l'écouter. Cette raison n'est pas satisfaisante en elle-même puisque mon autre cousine officiait sur RTL ... Mais ovilà, la phobie de la publicité des radios périphériques et le profil de ma mère, fonctionnaire, rendait France Inter comme une évidence. Aussi, le dimanche matin c'était "L'Oreille en coin". Le soir, "Le téléphone sonne" avec la voix d'Alain Bédouet qui précédait le "Pollen" de Jean-Louis Foulquier qui fut remplacé par José Artur. Si je demeure très critique au sujet de France Inter, il y a néanmoins une chose que l'on ne peut retirer à la chaîne : le culte des voix [qui se perd au fur et à mesure que les recrutements se rapprochent de ceux des radios commerciales qui misent sur des têtes d'affiche vues à la télé]. Sauf que les après-midi de Frédéric Lodéon ou les émissions de Claude Villers, c'était peut-être très bien mais j'avais besoin de bruit, de légèreté, de rythme et de mouvement ...
Ainsi, en 1988 le soir de la mort de Dalida, je me suis perdu sur une autre station que France Inter [ou France Info que j'avais commencé à écouter, après que je me sois lassé de NRJ en 1984] : Europe 1. Ca tombe bien, quelle station pouvait le mieux rendre hommage à la chanteuse qui avait aimé passionnément Lucien Morisse, ex-directeur d'Europe 1. Petit à petit, j'ai émigré en écoutant le "Hit des clubs" le dimanche soir, "Allo docteur" où l'on parlait pour la première fois et aussi crûment de sexualité [ça tombe bien, j'étais en plein dedans]. Puis, en laissant traîner quelques oreilles sur RTL où j'étais fasciné par sa grille redoutable [et notamment le show du midi emmené par Fabrice, qui se payait le luxe de faire un duplex tous les mercredis midis avec 300 personnes dans une salle de spectacle, en distribuant des milliers de francs aux candidats et aux auditeurs pour peu qu'ils donnent le montant de la valise], je me suis installé sur Europe 1 où j'entendais des voix plus jeunes, un esprit plus vif que le ronron d'Inter. Certes, Jean-Pierre Elkabbach ramenait sa science tous les soirs dans "Découvertes" mais c'est quand Jean-Luc Delarue a pris les manettes de la matinale avec "L'équipe du matin" que je n'ai plus bougé. Nous sommes en 1992, la radio française va connaître son premier anchorman du matin et moi, je vais absorber tout ce que je peux en rigolant avec Arthur l'après-midi, en m'informant comme une éponge et en ouvrant toutes mes œillères.
Sporadiquement, je suis allé écouter distraitement d'autres antennes qui étaient à la croisée des chemins, RMC qui agonisait d'un passé étouffant pour devenir le café des sports que l'on connait notamment. Mais en fait, je suis toujours revenu à Europe 1 où l'accumulation des changements de grille tous plus incompréhensibles les uns que les autres gâtent un peu la fidélité de l'auditeur que je demeure mais qui n'altère pas les souvenirs merveilleux des interviews de Daniel Schick, les fous rire avec Laurent Baffie, la trop brève incursion de Muriel Robin au micro du dimanche matin, les passionnantes émissions d'Yves Calvi du matin où j'apprenais plein de choses, la finesse journalistique de Patrick Cohen ... Oui vraiment, la radio m'a construit et je crois que je n'ai jamais passé une journée chez moi sans l'écouter ...
Il est arrivé que lorsqu'on me tend un micro, je m'amuse à parler dedans. A "Homomicro" il y a quelques années comme sur le parvis de la gare de St Pancras quand la correspondante d'Europe 1 me demandait mon sentiment sur les difficultés annoncées de l'Eurostar. Oui, j'aime parler dans le micro et la radio demeure pour moi un outil incomparable dont beaucoup se nourrissent aujourd'hui en la filmant pour faire de la télé low cost [alors qu'on ne devrait jamais dévoiler ce qui se passe dans un studio de radio].
J'ai gardé des bandes d'émissions diffusées et de maquettes. J'avais mes jingles [que j'avais fait moi-même, comme un grand en écumant les compilations de jingles libres de droits, et en prenant trois ou quatre secondes de ceux d'émissions trépassées], j'avais mon rythme, mon ton ... D'ailleurs, quand ma professeur d'espagnol avait demandé que l'on rende un devoir sur cassette audio, je m'étais amusé comme un fou à mettre des virgules, une page de publicité au milieu [avec une pub Coca-Cola puisque le devoir consistait à commenter une publicité Coca-Cola !] et faire une mise en oreille agréable en réglant le son comme il le fallait. Ma mère, un jour, m'a dit que j'aurais peut-être dû faire de la radio et être réalisateur ou monteur : j'aurais adoré, c'est clair mais le soin d'être devant le micro et d'emporter l'auditeur avec ma voix n'est pas non plus un plaisir qui me rebut, tout au contraire.
Tto, qui fête les 100 ans de la radio
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